Félicien Rops

Publié le par Gaspard Elliott


"La vertu du diable est dans les reins".

Baudelaire, Verlaine, Barbey d'Aurevilly, Péladan lui commandèrent des frontispices - car comme l'a dit Huysmans, il a  "peint, en d'imperfectibles pages, le surnaturel de la perversité, l'au-delà du Mal". Ses allégories de la Luxure, où le Diable, même lorsqu'il n'y apparaît pas, règne en maître absolu, restituée dans sa dimension biblique, en font l'un des chefs de l'école satanique.

L'inspiration de Rops, considéré en tant qu'artiste, illustre les périls de la contrition et du choix de la vie vertueuse.
Il est vain d'essayer d'isoler en soi le vice: les voeux de chasteté sont contre-attaqués de visions  lubriques, la chair travaille en souterrain et rejaillit en fantasmagories ordurières, qui hantent l'âme et vont jusqu'à la posséder.

Dans son oeuvre satanique, il déniche le sabbat dissimulé derrière les plates habitudes de la vie quotidienne, les instants où, un quart d'heure par jour, répondant à l'appel de la nature, l'homme est un petit sorcier qui assouvit son besoin. Chez la femme, le tourment de la chair est de grande ampleur. Satisfaite par le Diable, son extase est énorme, le plaisir atteint des degrés insupportables et peut la tuer - c'est la petite mort à l'échelle biblique.

Chez Rops, la malignité de la nature humaine est telle, que lutter contre la luxure n'est pas plus salutaire que d'y succomber. Qu'il lutte ou qu'il succombe, l'homme est coupable dans les deux cas: il n'y a pas d'attitude recommandable vis-à-vis de la sensualité, vécue comme une corruption; l'unique main secourable, mais à laquelle personne ne croit, est la main spirituelle, la main divine.

Le Diable perd la femme, qui à son tour perd l'homme, en se faisant la complice de ses pulsions: elle est sorcière, succube, hérodiade. De tout le genre humain, l'Artiste est l'être le plus vulnérable: la création s'accomode mal de la débauche, car "l'exutoire corporel est le destructeur le plus certain de l'art" (Huysmans).

Le supplice de la chair n'est qu'un échantillon de l'art de Rops, tout comme la Luxure n'est qu'un des sept péchés capitaux. Il a
réinventé Sade dans les arts plastiques, ce qui est beaucoup, mais il a fait davantage encore: il a généralisé son art, réalisé ses fleurs du mal. Rops est maître dans le rendu de l'innommable, de l'horreur cachée - le fameux "dessous de carte" - le grondement lancinant et sourd, la présence invisible du Mal. Il l'a traqué dans la vie moderne, et compris que chacun porte en soi les germes de la destruction. Rien de plus funeste que le mal qui s'ignore: dans les égoûts de Paris croupissent les eaux stagnantes, et sous l'apparente nonchalance de la Seine gémissent les eaux du Styx.

"Il est plus difficile pour les gens de ce siècle de croire au Diable que de l'aimer. Tout le monde le sert et personne n'y croit. Sublime subtilité du Diable" dixit Baudelaire.

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